Les fans anonymes endeuillés de George Michael !!
" Dans 1 semaine, le dimanche 25 juin ce sera l'anniversaire de notre cher George Michael.... Triste anniversaire en fait car George n'est plus... Désormais le 25 juin sera une date qui fera couler les larmes, un jour de tristesse, comme c'est le cas depuis le terrible 25 décembre 2016.... J'ai lu dernièrement un article que j'ai trouvé touchant et j'ai voulu le partager sur le blog avec vous tous. "
On les imagine les yeux cernés et bouffis, trainant entre le canapé et le lit, sirotant une tasse de camomille avec un Prozac à portée de main. Rassurons-nous tout de suite : ils ne vont pas si mal.
Mais, ils ont perdu « leur » artiste phare dans une année 2016 particulièrement noire : David Bowie en janvier (bonne année), Prince en avril (joyeuses Pâques), George Michael en décembre (et joyeux Noël bien sûr). Quelques hommages sur les ondes ou à la télévision, diffusion de deux chansons et trois clips, et puis s’en va.
Cela paraîtra secondaire au commun des mortels. Sauf pour eux, ces milliers de fans qui traversent en fait une véritable période de deuil.
« C'était mon pilier et mon compagnon », résume David, fan de George Michael depuis 1984, dont la musique l’a aidé à traverser une longue période d’hospitalisation il y a quelques années.
« On a eu le sentiment de perdre non seulement notre artiste préféré, mais pratiquement un membre de la famille, et tous les amis qui vont avec », abonde Laurent, qui écoutait Prince depuis 1984, tout comme Linda, qui parle de «la perte d'un grand frère qui l'a accompagnée toute sa vie ».
Du coup, lancer un appel aux fans sur Facebook, c’est un peu comme assister à sa première réunion des Alcooliques anonymes : les voilà qui se signalent, souvent intrigués, parfois maladroits, et presque jamais convaincus d’avoir quelque chose d’intéressant à raconter.
Et pourtant. Ils ont assisté à des dizaines de concerts, ont pu croiser leur idole voire échanger quelques mots ou sourires avec elle, ont traversé leurs joies et leurs peines avec sa musique, se sont construits en l’écoutant.
On en serait presque prêts à s’asseoir en cercle, et les applaudir respectueusement quand ils commencent par « Je m’appelle Jean, et je suis fan d’un artiste mort ».
DES ACTIONS CHEZ KLEENEX
Ils ont 25, 35, 45 ans et, depuis quelques mois, ont pris des actions chez Kleenex ou ont consommé leur poids en chocolat noir.
Ils se rappellent tous du moment fatidique de l’annonce funeste, et de leur réaction : les larmes dans le lit au réveil pour Océane, groupie de Bowie depuis ses 12 ans, la course vers les toilettes les plus proches pour pleurer discrètement en pleine journée de travail pour Rachel, fan de Prince, les proches tentant de cacher pour quelques heures la nouvelle à Myriam, fan de George Michael, en pleine réunion familiale post-Noël. « C’est un peu comme le 11 septembre, on se souvient tous d'où on était quand on a appris sa mort », résume Frédéric, aficionado de Prince depuis 1991.
Les réactions varient ensuite. Il y a ceux qui ont écouté frénétiquement chacun des albums de « leur » star, et ceux qui ont préféré chausser œillères et boules Quies pour échapper à la moindre note.
S’il y avait eu un abri atomique disponible, cela aurait visiblement arrangé quelques personnes. « J’ai eu une dépression assez nette qui a duré plusieurs semaines pendant lesquelles il m’était impossible d'écouter, de regarder ou de lire quoi que ce soit à son sujet », explique une fan de Prince sous le pseudo Thembgitw.
« Je préférais faire comme s'il n'avait jamais existé et me focaliser sur d'autres choses. Aujourd'hui s'il m'est redevenu facile d'écouter certains concerts auxquels je n'ai pas participé car trop loin ou trop anciens, ceux pour lesquels j'ai un attachement tout particulier me restent inaccessibles », dit Laurent.
Même chose pour Linda, qui a passé 10 ans dans l’entourage de Prince, et qui se dit « incapable d'entendre sa voix parlée ».
Mais show must go on, et le temps fait son œuvre, chacun ayant son exutoire pour faire son deuil.
« J'ai chanté en public il y a un an lors d'une soirée que j'ai organisé pour lui rendre hommage, "Space oddity" et "Lazarus", ce que je n'ai jamais osé faire de ma vie. Ce sera sans doute la dernière fois aussi », explique Loïc, fan de Bowie depuis ses 9 ans, parlant d’un « besoin de marquer le coup pour faire mon deuil, de faire quelque chose pour le remercier pour ce qu'il m'avait apporté ».
Thembgitw s’est mise à la basse et développe de nouveaux projets artistiques, tandis que Linda s’est lancée dans l’écriture d’un livre pour « partager ses anecdotes avec ses frères et sœurs de deuil ».
Ecriture aussi pour Raphaël Melki, fondateur et responsable de Schkopi, communauté des fans de Prince en France, qui publiera en mars prochain le livre « Purple Fam » (Renaissance du Livre). Et pour Yace, auteur de « Mémoire Pourpre », en autoédition.
SURMONTER SON DÉNI
D’autres cherchent encore le moyen de tourner la page, de marquer la fin d’une histoire et le commencement d’une autre façon de vivre sa passion.
« Il est plus difficile d'honorer la mémoire et la carrière d'un artiste mort, car on est forcément dans la nostalgie et la répétition de choses que l'on a déjà raconté mille fois. Comme il n'y a plus de nouveauté, on est donc dans un espace-temps restreint qui a un début et une fin », explique Laurent. S’il dit avoir « surmonté son deuil avec le temps », cet inconditionnel de Prince reconnait aussi qu’il est « toujours compliqué de comprendre qu'il ne se passera plus rien avec lui et que nous ne vivrons plus ces moments merveilleux d'extase et de frénésie ».
Mêmes regrets pour David, près de deux mois après la mort de George Michael. « J'aurais eu besoin de quelque chose de collectif. Qu'on entende ses chansons quelque part dans la rue, sortir d'un appareil ou d'une voiture. Qu'il y ait des gens qui chantent ou dansent. Ça n'arrivera plus, c'est comme s'il fallait faire le deuil de ça aussi », explique-t-il.
Face à ce manque, d’autres préfèrent continuer à honorer leur artiste comme pour défier l’histoire.
« Je n'ai pas envie de passer à autre chose, ça me fait du bien de ne pas oublier, comme une sorte de respect pour son œuvre et sa générosité » dit Frédéric, tout comme Linda assume de « refuser de s’en remettre ». « Comme tous les fans, m'étant habituée au mystère et aux absences de Prince, je me console en me disant qu'il est à Minneapolis, à la retraite, qu'il se repose... c'est plus facile même si je sais qu'il est parti pour toujours », ajoute-t-elle.
Parfois, le choc des premiers jours laisse aussi place à une tristesse plus diffuse. « Je ne peux pas dire que je suis encore très affecté au quotidien. Simplement : c'est là », dit ainsi David. Alors que l’artiste justement, ne l’est plus. Quoique.
La nature ayant horreur du vide, les fans comblent l’absence comme ils peuvent : musique, objets dérivés, visionnage compulsif de vidéos… ou nouvelle compagnie. Océane a ainsi déjà prévu d’appeler son deuxième chat Ziggy… ou Bowie.
Sarah Benayoun